Institutions de Micro-Finance
Les institutions de microfinance au Nord par leurs interventions génèrent un lien entre épargnants (ayant les moyens financiers) et emprunteurs (n'ayant pas de moyens financiers) en donnant un caractère éthique à leur épargne. Le lien social se crée entre les populations ayant les capacités de financement (plus aisées) et celles qui sont exclues des circuits traditionnels (plus pauvres). Au sud, les programmes de microfinance interviennent auprès des personnes "pauvres" ou exclues du secteur bancaire classique uniquement. Pour celles-ci, les liens sociaux constituent un enjeu majeur de leur intégration et de leur insertion durable dans la société et dans l'économie.
Deux types de microfinance
Il est nécessaire de distinguer différentes formes de microfinance en fonction des types de pratiques des IMF. On peut différencier deux grandes catégories d’instituions :
1) La microfinance qui considère son rôle comme celui d’un prestataire de services financiers, voire de pourvoyeur de crédits. Ces institutions ont démarré en général sur un créneau délaissé par les banques et établissements de crédits, celui des clients “ non bancables ”.
Les “ banquiers ” ont progressivement trusté ce marché du microcrédit, en y infiltrant leur personnel, leurs experts, leurs standards de performance et de reporting et ont créé des barrières à l’entrée, tant psychologiques que financières, pour repousser à la marge d’autres acteurs. Nombre de bailleurs de fonds ont finalement adhéré à cette vision technocratique et bancaire du secteur, séduits par le discours professionnel et rassurant. Les bailleurs sont aussi hostiles aux risques. C’est cette forme de microfinance qui prône l’institutionnalisation en banques commerciales pour accéder au marché monétaire, une rentabilité élevée pour attirer des investisseurs privés. On peut la qualifier de “ microfinance pré-bancaire ”.
2) La microfinance qui considère que la finance est un outil efficace, mais au service du développement humain et sociétal. Pour ces micro financeurs, la manière d’apporter les services peut faire toute la différence. Parce qu’elle met les hommes et leurs liens sociaux au centre de sa mission, cette forme de finance agira toujours en fonction des contextes et des milieux, qu’elle cherchera à connaître, pour mieux les servir et les valoriser. La consécration pour cette finance est l’impact sur le capital social et l’autonomie de ses clients, qui à leur tour aura un impact sur la pérennité de ce type d’institution. On peut la qualifier de “ Finance Solidaire ”.
Tout comme la banque est un métier, la finance solidaire est un autre métier, un métier nouveau avec ses spécificités.
La crise de la microfinance
Après deux décennies d’une microfinance pionnière et triomphante, le secteur se trouve confronté pour la première fois à une crise en profondeur, qui se traduit par des départs massifs de clients, par des groupes ou clients inactifs, par une chute des volumes de transactions et surtout par des impayés qui commencent à devenir alarmants. Y a t-il un lien entre cette “marche forcée” vers la rentabilité et l’abandon des liens sociaux d’une part et ces blocages et dysfonctionnements d’autre part? La microfinance souffre t-elle de ne pas avoir su créer et consolider du capital social au sein de sa clientèle, de ne pas avoir su tisser des liens sociaux entre les clients et entre les clients et l’institution?
Une réflexion sur les concepts s’impose. Que sous-tendent les termes de “capital social”, de “liens sociaux”? Y a t-il différents types de microfinance? Comment les différentie t-on? Quelle est la définition d’une “finance solidaire”?
Les Institutions de Micro Finance empruntent souvent à des organisations de finance solidaire populaires quelques caractéristiques, telles que la formation de groupes, les réunions et cotisations régulières, la mise en place de fonds de secours pour l’entraide et les imposent aux populations auprès desquelles elles interviennent, en leur donnant une fonction de garantie des remboursements de crédit et en faisant un véhicule au travers duquel passent les services financiers permettant de réaliser une économie d’échelle. Ce qui constituait la base du capital social et renforçait les liens sociaux est instrumentalisé pour devenir une “technologie” de délivrance des crédits.
Certaines Institutions de Micro Finance ignorent les solidarités qui préexistent autour de leurs clients et ne les prennent pas en compte dans leur conception de l’organisation du système, ni des produits et des services financiers offerts. Celles là considèrent que le crédit seul suffit à améliorer les conditions des individus.
D’autres, à leur début, avaient le souci de bien comprendre l’environnement social dans lequel évoluaient leurs clients, de préserver les liens sociaux positifs qui renforçaient leur capital social et de construire leur système financier en lui assignant pour mission l’intermédiation sociale. Cependant, avec les pressions externes fortes de la part du courant dominant, de la profession et des bailleurs de fonds, elles ont dû abandonner cette option en cours de route, notamment au moment crucial de l’institutionnalisation.