Économie verte

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L'économie verte est une expression dont la signification a considérablement évolué au cours des dernières décennies. D'abord synonyme d'économie de l'environnement, elle devient, dans le contexte de la préparation de la Conférence Rio + 20, quasi synonyme de croissance verte, c'est-à-dire d'une opportunité non pas de réconcilier croissance économique avec l'environnement, mais de s'appuyer sur les ressources naturelles pour stimuler la croissance économique par des mécanismes de marché.

Généalogie

De l’économie de l’environnement à l’économie verte

L’économie de l’environnement est née à la fin des années 80. L’économiste de l’environnement standard David Pearce a publié une série de 6 volumes reprenant les approches classiques en économie de l’environnement. Un des derniers volumes est le « Blueprint for a Green Economy »<ref>Blueprint for a Green Economy</ref>. Sa perspective est de promouvoir une meilleure intégration de l’environnement dans les politiques sectorielles. Cette œuvre influence les politiques standards, l’OCDE et les institutions internationales depuis le milieu des années 2000.

L’émergence de la notion d’économie verte est liée à celle du développement durable. On peut distinguer trois grands moments de cette émergence :

  • le rapport « Limit to Growth » dans les années 1970’ <ref>Limits to Growth</ref>
  • le rapport Brundtland (1987) qui voit l’émergence de la notion de développement durable<ref>Rapport Brundtland </ref>, puis
  • les rapports des années 2000 sur l’économie verte.

Parmi ces derniers, on peut citer le rapport sur l'« Économie verte » du PNUE (Programme des Nations Unies pour l'Environnement), lancé en février 2011 (700 pages), très médiatisé, et soutenu par la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les choix politiques mis en exergue sont pour les gouvernements de faire cesser les subventions préjudiciables à l’environnement (subventions aux combustibles fossiles ou à la pêche industrielle, par exemple.) et d'utiliser les fonds ainsi réunis pour investir dans des technologies nouvelles, comme la biomasse, la biologie synthétique, les nanotechnologies, etc. Selon Olivier Hoedeman <ref> Article "RIO +20 et l’écoblanchiment de l’Économie globale", adaptation en français d’un article d’Olivier Hoedeman, coordinateur de la recherche et des campagnes au Corporate Europe Observatory (CEO), Bruxelles, par Élisabeth Schneiter - http://www.lesauvage.org/2012/04/rio-20-et-lecoblanchiment-de-leconomie-globale/ (vérifié le 8/4/2012)</ref>, le nucléaire et les OGM sans être explicitement approuvés, sont considérés comme compatibles avec l’approche du rapport.

"Les organisations non gouvernementales (ONG), critiquent cette approche car elle ignore les causes profondes de la crise écologique pour mettre l’accent sur la croissance économique, sur la technologie et sur les approches axées sur le marché. Le fait que l’auteur le plus influent du rapport et son porte-parole principal soit Pavan Sukdhev, mis à la disposition du PNUE par la Deutsche Bank, peut en expliquer l’orientation mercantile."

Il y a donc eu un basculement au cours des dix années précédents la conférence Rio + 20 : on est passé de la contradiction entre croissance et l’environnement, à l’environnement comme opportunité pour la croissance.

Typologie des acteurs impliqués dans l’économie verte

Les acteurs de l’économie verte sont actuellement:

  • Les think tanks plus ou moins progressistes
  • Les rapports des institutions internationales
  • Les politiques publiques

Les think tanks

  • Le Green New Deal Group (UK)
  • Le Center for American Progress
  • Le World Resource Institute, etc.

sont des think tanks relativement progressistes basant leurs rapports sur la notion d’économie verte.

  • le German Advisory Council on Global Change, auteur du rapport sur la transition énergétique « World in Transition – A Social Contract for Sustainability ». Une telle transition peut être vue comme donnant l’avantage compétitif à l’Allemagne.


Les rapports des institutions internationales

  • Le rapport Stern sur l’économie du changement climatique (2006) adopte une approche standard pour souligner le surcoût du réchauffement climatique. L’option d’investir 1% par an dans la lutte contre ce réchauffement paraît dès lors économiquement rationnelle.
  • Le rapport TEEB (The Economics of Ecosystems and Biodiversity) <ref> Rapport TEEB</ref>, coordonné par Pavan Sukhdev et présenté à la Conférence des Parties de la Convention sur la Diversité Biologique à Nagoya, suit une logique similaire à celle du rapport Stern, pour examiner la question de la biodiversité. Il semble moins cher de préserver la biodiversité que de la détruire.
  • La Green Economy Initiative PNUE, lancée le 22 octobre 2008, est elle aussi coordonnée par Pavan Sukhdev.

Pour V. Boisvert et J. Foyer, l’économie verte apparaît dans ces rapports comme liés à des politiques de relance des secteurs « verts ». Un des rapports du PNUE identifie les domaines clefs pour l’investissement, et fixe un montant à atteindre de 2% de l’économie mondiale pour les investissements verts.

Le rapport Ocampo de la CNUCED, des, Nations Unies et de l’UNEP «  The Transition to a Green Economy: Benefits, Challenges and Risks from a Sustainable Development Perspective », est un rapport très technocratique. L’économie verte est présentée comme alternative à l’économie basée sur le carbone et les énergies fossiles. Il insiste sur certaines difficultés de mise en œuvre :

  • L’écart Nord/Sud que pourrait créer cette nouvelle économie (proposition de retoucher le cadre international des droits de propriétés intellectuels) ;
  • Le commerce international,
  • Les modes de financement.

Ce rapport semble avoir été influant pour le Draft 0, qui ne contient que 6 articles sur la green economy.

Le premier rapport des Nations Unies et des institutions de Bretton Woods sur l’économie verte « Working towards a balanced and inclusive green economy » de l’Environment Management Group est un document plutôt « mou » type check-list, difficile à saisir.

Les politiques nationales

Trois pays prônent les « investissements verts » : la Chine (plan de relance de 2009), les Etats-Unis (green recovery), la Corée du Sud (green new deal), France. Ceci s’inscrit dans une compétition sur les technologies vertes (Chine – Etats-Unis).

Il faut citer aussi les exercices de prospective sur les ressources naturelles par le secteur bancaire, notamment HSBC.

Cartographie

Voir la carte ci-dessous. Les différents thèmes sont poussés par des coalitions.


Fichier:Economieverte.png

Critique

Pour Geneviève Azam, économiste à l’UMR Dynamiques rurales de l’Université de Toulouse 2 et membre du Conseil Scientifique d'ATTAC, l'économie verte peut être appréhendée comme un discours idéologique. Elle est présentée comme la solution à tous les problèmes actuels. La figure actuelle de l’économie verte a très peu à voir avec le capitalisme vert, ou le greenwashing, qui existe depuis une trentaine d’années.

L’économie verte propose d’intégrer la nature dans le cycle de l’économie (au lieu de l’inverse, intégrer l’économie dans les cycles naturels, proposition du courant de la bio-économie). C’est une véritable rupture dans le discours sur l’économie, puisque jusque là, la nature et l’économie étaient conçues comme des ordres séparés. Le courant de la bio-économie envisage au contraire l’économie comme sous système de la biosphère.

Le contexte de cette rupture est à mettre en rapport avec celle qui a eu lieu dans le domaine des droits de propriété intellectuelle sur le vivant à partir des années 1980. Le vivant n’est plus conçu une fin en soi, mais un moyen. L’économie verte repose sur l’illusion de ressources infiniment renouvelables qui permettraient une croissance infinie. Or cette rupture survient au milieu d’une crise écologique marquée par l’épuisement des ressources non renouvelables, et la reconnaissance du Peak Oil (pic pétrolier) par les institutions internationales elles-mêmes en 2006. Les marchés du carbone sont mis en place à partir de 2005, et petit à petit ceux en lien avec les services écosystémiques (climat, biodiversité, sols, voire « smart agriculture », etc.). Après la crise des sub-primes, il y a une ruée de la finance sur les ressources naturelles.

Les soubassements de l’économie verte

L’UE est passé de l’économie de la connaissance à la bio-économie (UE et OCDE). L’économie verte pallierait les déficiences de l’économie du à la présence d’une « économie » invisible. Deux voies existent dès lors : la taxation ou la création de droits de propriété, par le marché (économie standard), ce qui renvoie à des options pour le rôle de l’Etat dans l’économie libérale. L’idée du prix suppose que la nature a une valeur économique, produit des services. C’est une vision utilitariste de la nature, qui renforce l’anthropocentrisme. L’abandon d’une vision holistique de la nature présage de la limite de la capacité de cette économie à résoudre les crises écologiques. Par contre, la capacité de cette économie à être rentable est probablement vérifiée. Le calcul coûts-bénéfices fait cependant apparaître des problèmes de fixation du taux d’actualisation, alors que certains événements ne peuvent être « probabilisés ». La question du prix est également sous-tendue à celle du droit de propriété.

L’économie de la connaissance met elle aussi de la rareté là où il y a de l’abondance. La capacité du vivant est infinie et gratuite (dans les deux sens du terme). L’économie verte suppose la substitution possible du capital naturel par le capital technique (soutenabilité faible).


La Nature n’est plus perçue comme un stock de ressources, mais un flux de services écosystémiques. Biodiversité vs Biomasse (carbone végétal, économie verte…), parfois conçu comme une grappe technologique (par l’UNEP, l’OCDE), car la biomasse peut être synthétique.

Références

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  • Conférence "L’économie verte : entre marketing écologique et green new deal ?" par Valérie Boisvert (Economiste, GRED/IRD) et Jean Foyer (Sociologue, ISCC/CNRS), Muséum National d'Histoire Naturelle, 14 mars 2012.