Coopération décentralisée

De Solecopedia
Aller à : navigation, rechercher

La coopération décentralisée est une format de solidarité internationale définie de façon différente selon les pays.

En France, la coopération décentralisée désigne l’action internationale des collectivités locales. C’est la possibilité, pour une collectivité locale, de lier des partenariats avec des collectivités étrangères et de pouvoir y financer des projets dès lors qu’il y a signature d’une convention et respect des engagements internationaux de la France.

L’Union Européenne a une acception plus large de la coopération décentralisée. Pour elle en sont acteurs non seulement les pouvoirs publics locaux mais aussi les organisations non gouvernementales, les coopératives, les syndicats, les organisations de femmes et de jeunes, les institutions d’enseignement et de recherche, les églises, les PME, etc.

La coopération décentralisée en France

La Coopération décentralisée est une possibilité garantie par la loi.

Les lois de décentralisation de 1982 renforcent les collectivités locales en élargissant leurs compétences, mais laissent un vide juridique sur leur place dans l’action extérieure de la France.

La circulaire du 26 mai 1983 reconnaît aux collectivités locales la possibilité de nouer des relations avec leurs homologues d’autres pays, dans la limite de leurs attributions, sous le contrôle de l’Etat (-> Délégué à l’action extérieure des collectivités).

L’article 131 du titre IV de la loi d’orientation du 6 fév. 1992 stipule que « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans la limite de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France. » précisé dans la loi Thiollière du 2 fév. 2007 (article 1115-1 du code général des collectivités territoriales).

Conséquences pratiques

Les relations de Coopération décentralisée supposent donc la signature de convention(s). Il existe d’autres formes d’action extérieure des collectivités territoriales.

La coopération transfrontalière et la coopération interrégionale sont des formes de Coopération décentralisée (cas assez général en Suède et en Autriche, par exemple).

Historique

L’après-guerre

Mais la coopération décentralisée est antérieure à la décentralisation de 1982. Elle trouve sont origine dans les politiques de jumelage des collectivités territoriales, villes, départements et régions. Il s’agit souvent de jumelages interalliés puis franco-allemands pour encourager la paix et l’amitié entre les peuples dans le contexte de tension et de guerre froide qui marque la période après la deuxième guerre mondiale.

Bagnolet, par exemple a conclu deux jumelages dans les années 1960 : avec la ville italienne de Sesto Fiorentino (1962), et la ville (est-)allemande d’Oranienburg (1964).

Ces jumelages se traduisent surtout par des échanges, des manifestations culturelles, des occasions de rencontres.

Les années 1970 et 1980

Les sécheresses du Sahel pendant les années 1970, dans des Etats africains jeunes, ont beaucoup frappé l’opinion publique, et la société civile française (associations, syndicats, collectivités) porte un mouvement de solidarité important. Ce sont souvent des communes rurales qui inventent une nouvelle forme de coopération décentralisée, ayant pour objectifs la solidarité et le développement du Sud. Celle-ci reste un axe important et multiforme de l’action des collectivités territoriales.

Dans les années 1980, les lois de décentralisation encouragent le développement de nouvelles initiatives des collectivités. Les régions, les départements et les grandes villes s’impliquent davantage. Les relations se diversifient, les partenariats se multiplient. En 1985, la ville de Montreuil initie par exemple une coopération avec le cercle de Yelimané au Mali (développé plus loin).

Panorama de la coopération décentralisée française

Les collectivités françaises coopèrent aujourd’hui dans 115 pays. 6000 liens entre collectivités françaises et collectivités étrangères. La coopération décentralisée est aujourd’hui multiforme.

L’encadrement juridique en France

La loi Thiollière de 2007, qui conforte et élargit la loi du 6 février 1992, fait de l’action internationale une compétence à part entière des collectivités territoriales et permet une grande liberté d’initiative, y compris dans les cas d’urgence. Elle précise que le mode d’exercice de la CD est la signature de conventions qui « précisent l’objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers ». (cf texte de la loi).

La loi Oudin-Santini, après modification en décembre 2006, permet aujourd’hui aux communes, établissements publics de coopération intercommunale, syndicat mixte chargé de l’eau et de l’assainissement et aux services publics de distribution d’électricité et gaz de prélever jusqu’à 1% du budget de ces services pour mener des actions de coopération avec les collectivités étrangères.

Conséquences

1) la coopération décentralisée constitue aujourd’hui une nouvelle compétence et non plus un mode d’exercice des compétences locales. (Ceci met la collectivité à l’abri des recours auprès du tribunal administratif, fondés sur l’interprétation de la jurisprudence concernant « l’intérêt local » d’une action internationale) ;

2) les conventions peuvent être passées avec des autorités locales étrangères qui peuvent être aussi bien des maires élus que des préfets ou des gouverneurs nommés par l’Etat. Ceci facilite le travail dans les pays non encore décentralisés ;

3) enfin, en cas d’urgence, une aide humanitaire peut être apportée, sans qu’il y ait de conventions signées avec une autorité locale étrangère.

Le « Guide de la coopération décentralisée pour l’eau potable et l’assainissement », édité par le programme Solidarité Eau (pSEau) avec ses partenaires, offre une information très complète sur les possibilités offertes par la loi Oudin-Santini.


Actions et acteurs

1. Les collectivités territoriales françaises concernées

- les communes ; - les départements ; - les régions ; - tous les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ou non, c’est à dire, les syndicats de communes, les communautés de communes, les communautés d’agglomération, les communautés urbaines, les syndicats d’agglomération nouvelle ; - les syndicats mixtes ; - les institutions ou organismes interdépartementaux crées en application de l’article L.5421-1 du Code Général des Collectivités Territoriales ; - les ententes interrégionales crées en application de l’article L.5621-1 du Code Général des Collectivités Territoriales.

En revanche, les établissements publics locaux n’entrent pas dans le champ d’application de la loi.

2. Quelques exemples d’action : du jumelage à la coopération

Les motivations pour entreprendre des actions de CD sont diverses :
➢ Echange culturel avec d’autres pays
➢ Population migrante – sa présence peut être catalysatrice de coopération internationale
➢ Solidarité internationale avec des pays du Sud
➢ Echange de savoir-faire, de pratiques
➢ Affinités politiques, idéologiques
➢ Situation d’urgence – aide humanitaire

Certains domaines se prêtent plus à la coopération décentralisée que d’autres (l’urgence se prête-t-elle facilement à la CD ?).

Exemple 1 : Montreuil – Yelimané (Mali)

Coopération initiée en 1985. Les Maliens de Montreuil viennent à 80% du cercle de Yélimané au Mali. En 20 années, 5 micro-barrages ont été construits, 14 puits creusés, et des périmètres maraîchers ont été créés. Les élus et leurs cadres ont été formés avec le soutien d’organisme spécialisés.

Actions dans le domaine de la santé, de l’éducation (alphabétisation passe de 13 à 24%). En 2003, des experts vietnamiens se joignent à la délégation française au Mali. Il en est résulté un programme d’appui à la sécurité alimentaire.

Exemple 2 :La coopération décentralisée des collectivités locales d’Alsace avec Madagascar
Contexte malgache

Ile de 18,1 millions d'habitants d’une taille un peu supérieure à la France.
26,6 % de la population est urbaine et 44,2 % a moins de 15 ans.
L’espérance de vie à la naissance est de 55,6 ans, et le taux d’alphabétisation des adultes est de 70,7%. Le PIB annuel par habitant est de 241 $ (moins d’un dollar par jour), et l’IDH est le 143e sur 177 pays.

Indépendance difficile de la France.

1991-1996 : contestation du régime présidentiel de Ratsiraka (aligné sur le bloc soviétique en 70’s et 80’s), qui aggrave les problèmes de ce pays pauvre. En 1995, la loi de décentralisation promulgue les communes comme nouvel acteur principal du développement local. En 2001, élections qui portent au pouvoir Ravalomanana. Sentiment de solidarité envers Madagascar en France.

Contexte alsacien

La coopération avec Madagascar a démarré en 1993 à l’initiative des Hôpitaux Universitaires, de la Faculté de Médecine de Strasbourg, et de la Fédération Régionale des Maisons des Jeunes et de la Culture (FRMJC). Ces institutions sont membres de l’IRCOD. l’Institut propose d’orienter principalement sa démarche de coopération décentralisée en appui à leur construction. Sept collectivités et de nombreuses institutions alsaciennes, avec l’appui financier de l’Etat et de la Région Alsace, sont actuellement engagées ensemble dans la province de Majunga.

D’autres régions ont des instituts de même type. C’est un mode d’exercice de la coopération décentralisée.

Implantée à l’origine dans la Commune urbaine de Majunga, l’action de l’IRCOD s’est progressivement diversifiée et étendue à d’autres collectivités territoriales de la province (Commune urbaine de Maevatanana, OPCI d’Ambato Boeni).

Sept collectivités et de nombreuses institutions alsaciennes, avec l’appui financier de l’Etat et de la Région Alsace, sont actuellement engagées ensemble dans la province de Majunga.

Cette coopération multisectorielle et pluri-acteur entend promouvoir une mise en synergie de toutes les ressources malgaches et alsaciennes concernées et une conduite concertée des actions pour la réalisation d’avancées dans les

Exemple 3 : La coopération Nantes - Recife

Commencé comme une coopération culturelle classique (expos et résidences d’artistes).
Intérêt des brésiliens pour activités de Nantes dans l’économie sociale et solidaire. Accord en 2003.

Implication / aide financière de Nantes pour la construction du Centre d’Economie Populaire de Caranguejo-Tabajares (favela).

Visites de délégation en France et au Brésil. Présence actuelle d’un volontaire du progrès au Brésil.

3. Conclusions des exemples et réflexions

Le rôle de la collectivité peut être très varié :
- Animatrice, coordinatrice
- Technicienne
- Politique

Les motivations sont également variées :
- Ouverture de la collectivité sur le monde
- Faire preuve de solidarité internationale envers le Sud
- Encourager les initiatives des habitants d’origine étrangère (co-développement)

La mise en œuvre de la coopération et le jeu des partenariats peuvent être également très divers :
- Certains élus / certaines collectivités préfèrent gérer eux-mêmes leurs coopérations
- D’autres délèguent à une agence (ex. : IRCOD).
- Dans l’un ou l’autre cas, des ONGs peuvent, et sont de plus en plus souvent impliquées.

L’implication des populations peut être assez diverse :
- Une coopération très technique (gestion municipale, eau, etc.) peut à la limite prétendre se passer de la participation de la population. C’est assez rare et pas nécessairement souhaitable.
- Dans le cas de coopérations de type « co-développement », la population migrante est souvent impliquée, et généralement ses associations. Avec parfois le danger qu’elle monopolise les relations.
- L’implication des populations « là-bas » est généralement souhaitable. Elle est généralement encadrée par des organisations locales, ou de solidarité internationale.

Une politique de coopération décentralisée est souvent révélatrice de la politique locale de la collectivité qui l’initie.